Entretemps 3

Le dimanche, je sors ma chemise de bal et je vais à La Tourette voir l’autre exposition de Marie-Noëlle. C’est enfin l’occasion pour moi de découvrir cette réalisation de Le Corbusier, chantre de la rationalité technique comme parangon de la modernité. Ma chemise est en soie froissée, blanche avec des jetés orange et bleus, proche du corps ; c’est dire tout ce qui me sépare du grand architecte. Ses grands volumes de béton qui jouent avec la lumière et imposent le silence, je voudrais les mépriser car ils symbolisent l’impérialisme froid de l’homme sur la nature. J’en arrive pourtant à les respecter, ils agissent comme une écharde qui fait faire sa perle à l’huître. Le couvent gris sort de la colline verte, on dirait une baleine échouée en souffrance et pourtant sereine. « La vie dominicaine repose sur une tension entre deux pôles ; la prédication et la solitude. La parole sera d’autant plus juste qu’elle sera née du silence. » Je lis les mots des frères de

Sainte-Marie de la Tourette. Je pense aux sherpas dans les ascensions himalayennes. Ils prennent en charge ce que nous ne pouvons porter, en retrait, sans aucune ostentation. Le travail de Marie-Noëlle serre au plus près cette intimité. Les saisons marquent le bois de la table des cellules des prêcheurs en formation. Le bleu et le jaune impriment la rétine tout en ne rien cachant du gris des murs, du marron du mobilier et du vert du paysage. Les photos des cellules sont des petites vignettes et celles de la bibliothèque des grands tableaux. L’individu est petit, la communauté est grande. Le temps souffle comme le vent sur la colline ; il fait courber l’échine et fait entrer en soi. Quelle épreuve de vivre ici ! Je retrouve la belle Camille, une de mes anciennes étudiantes, la messe est dite.

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