Le Monde – A Lyon, l’art investit les barres avant l’explosion

lemonde-160307.jpgLe Monde – Culture – Vendredi 16 mars 2007
A Lyon, l’art investit les barres avant l’explosion.
Des artistes accompagnent au quotidien le vaste chantier de
renouvellement urbain du quartier de La Duchère. Courageux mais pas
facile.
Les grands ensembles de La Duchère, sur les hauteurs de Lyon. Dans le
dédale de la barre des Mille, ici et là, un appartement sort du lot :
un artiste s’en est emparé pour le transformer en oeuvre d’art d’un
éphémère musée. En 2009, les explosifs pulvériseront cette muraille de
quinze étages. En attendant, les appartements se vident au
compte-gouttes. Plutôt que de les murer pour dissuader les squatteurs,
la ville a décidé de les livrer à l’art et à la culture. Pendant
l’opération nationale « Vivre les villes », du 16 au 18 mars, dix
appartements seront ouverts au public.


Le Monde – Culture
Vendredi 16 mars 2007

A Lyon, l’art investit les barres avant l’explosion

Des artistes accompagnent au quotidien le vaste chantier de renouvellement urbain du quartier de La Duchère. Courageux mais pas facile

LYON
ENVOYÉ SPÉCIAL

Les grands ensembles de La Duchère, sur les hauteurs de Lyon. Dans le dédale de la barre des Mille, ici et là, un appartement sort du lot : un artiste s’en est emparé pour le transformer en oeuvre d’art d’un éphémère musée. En 2009, les explosifs pulvériseront cette muraille de quinze étages. En attendant, les appartements se vident au compte-gouttes. Plutôt que de les murer pour dissuader les squatteurs, la ville a décidé de les livrer à l’art et à la culture. Pendant l’opération nationale « Vivre les villes », du 16 au 18 mars, dix appartements seront ouverts au public.

La Duchère : autour d’une bizarre tour en étoile, des barres sans fin, des vides sans grâce. Beaucoup de verdure aussi. Ce quartier du 9° arrondissement fait l’objet, jusqu’en 2012, d’une opération majeure de renouvellement urbain: 500 millions d’euros, 1500 logements détruits, autant reconstruits. L’objectif: retrouver une forme urbaine, une échelle humaine, de la mixité sociale. Passer de 80 % de logements sociaux à 60 %, en relogeant dans le quartier tous ceux qui le demandent. Une partie de la population redoute pourtant d’être exclue au profit des bobos. L’art est-il là pour faire passer la pilule?

« Le projet urbain ne peut pas réussir sans un projet humain », résume le maire (PS) d’arrondissement, Hubert Laferrière. « Nous défendons l’idée que la culture peut être un vecteur de développement du territoire », ajoute Louis Lévêque, adjoint au maire de Lyon chargé de la politique de la ville.

Spécialisée dans le rapport direct au public et le défrichage de terres culturelles, la compagnie de théâtre Là Hors De a été choisie en mai 2005 pour semer la culture à La Duchère. Sa mission : faire vivre des lieux condamnés et donner une identité au temps long, indéfini et souvent douloureux de la mutation urbaine. Mais aussi « changer l’image du quartier, convaincre les Lyonnais d’y revenir, créer du lien social, faire participer à une expérience artistique des habitants qui ont peu accès à la culture », liste M. Lévêque. « Nous n’avons pas vocation à faire de l’animation socioculturelle ou de l’insertion. Notre travail c’est la création artistique in situ », précise Nathalie Veuillet, directrice de la compagnie.

Pas d’ateliers pédagogiques ou de défilés de carnaval, donc, mais une présence au quotidien, des résidences de plasticiens, d’auteurs et d’interprètes. A chacun de trouver sa manière d’entrer en relations avec le quartier: performance impromptue, permanence à La Poste ou lectures intimes dans une voiture.

Difficile d’évaluer l’impact
L’accueil n’est pas toujours enthousiaste. « Les relations sont surtout difficiles avec le groupe de jeunes le plus en marge», explique Nathalie Veuillet. Un cambriolage et quelques échauffourées plus tard, un statuquo a été trouvé : « Ils viennent aux événements que nous proposons, font du chahut, mais n’abîment pas les oeuvres. C’est leur façon de participer. »

L’échange survient parfois. Comme dans l’appartement transfiguré par Rodolphe Montet, face à une déconcertante installation de meubles empalés les uns dans les autres. « C’est un public qui ne prend pas de gants. Desjeunes en révolte sont venus une première fois, n’ont pas du tout accroché, puis l’un est revenu, a ramené les autres, et finalement nous avons eu une discussion passionnante », raconte l’ artiste.

Au-delà des groupes de jeunes, ce regard porté sur leur vie quotidienne pourrait heurter les habitants du quartier. « Ce que nous faisons est bien accepté, parce qu’il n’y a pas de discours démonstratif ou sociowgique, du genre "Comment pouvez-vous vivre dans ces cages à lapin ?" », estime la plasticienne Matt Coco, qui a transformé un appartement en parcours mystérieux dans une forêt enfantine. L’artiste termine une installation textile avec des femmes en insertion dans l’atelier de couture Fil en forme. « Elles ont beaucoup de mal à se projeter dans un imaginaire et à l’exprimer dans une création, explique-t-elle. C’est tout l’intérêt de cette collaboration. »

Difficile d’évaluer l’impact de ces actions au long cours et peu spectaculaires. Un premier recadrage a déjà eu lieu. « Nous étions satisfaits du changement d’image du quartier à l’extérieur. En revanche nous avons demandé à Là Hors De d’implilquer d’avantage la population », indique M. Lévêque. De son côté, la compagnie souhaite voir augmenter ses moyens (180000 euros par an), bénéficier de lieux de représentation, de commandes publiques
… Sans banaliser sa mission.

GRÉGOIRE ALLIX


*le budget Sputnik-Duchère 2006 est de 90 000 €, le chiffre communiqué
correspond au budget global de Là Hors De et comprend son activité de
création et recettes propres pas forcément lié au projet
Sputnik-Duchère.

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